Archives par mot-clé : fortifications

Fortifications de Neuf-Brisach : coupole d’observation d’infanterie allemande « Wachtturm 90 sp. »

Les cuirassements que l’on peut observer dans le périmètre de la place-forte de Neuf-Brisach correspondent à la période allemande. Ces coupoles ont été installées tardivement, dans les années 1892, et sont disposées au sommet des abris de capitale — Kapitalschutzhohlräume — qui avaient été construits entre 1873-77, puis renforcés entre 1887-1891 par une épaisse couche de ciment spécial.


Ces coupoles rotatives n’offrent qu’un abri tout relatif puisqu’il ne s’agit que d’une protection contre les éclats des projectiles d’artillerie. Par contre, leur disposition permet de couvrir l’ensemble des fronts menacés sans qu’il soit nécessaire de couvrir toute la périphérie de l’enceinte. On les retrouve au niveau des tours bastionnées 1, 3 & 5.

Le treillis métallique offre un appui, mais protège également, le cas échéant, d’une chute au fond du puits de la coupole tout en garantissant l’accès en toutes circonstances puisque le dispositif est aisément démontable, y compris à partir du fond du puits.  

Ici l’accès utilise une simple échelle métallique. Le couloir d’accès est par ailleurs interrompu par un épais blindage formant chicane.



Clichés actuels (2018) & copie de quelques diapositives d’une conférence données en 2007.


Dr Balliet — 13 octobre 2018



Un livre, un jour… Actes du colloque sur les fortifications à Saarlouis [2017] : Approvisionnement des places fortes

Intra Muros – Infrastruktur und Lebensalltag in Festungen – Versorgung mit Lebensmitteln

Tagungsband Intra Muros - Infrastruktur und Lebensalltag in Festungen - Versorgung mit LebensmittelnÀ signaler la publication toute récente des actes du colloque portant sur l’approvisionnement des fortifications (cf. l’annonce du colloque). Son organisation sous la direction de Benedikt Loew et de Guy Theves a été, comme d’habitude, en tous points remarquable.

À l’instar des publications précédentes, la thématique retenue a, encore une fois, suscitée un intérêt soutenu. 

D’ailleurs, le caractère international du colloque te de la publication a permis, une fois n’est pas coutume, de publier quelques textes en langue française, au rang desquels on peut compter notre contribution qui comprend, en outre, un chapitre inédit consacré à la place forte de Neuf-Brisach.

Loew, Benedikt; Thewes, Guy; Klauck, Hans Peter (Hrsg.): Intra muros – Infrastruktur und Lebensalltag in Festungen – Versorgung mit Lebensmitteln.

Schriftenreihe Festungs-Forum Saarlouis Band 3. Saarlouis, 2018.

ISBN: 978-3-933926-75-3

L’ouvrage de 250 pages, très bien imprimé et richement illustré, peut être acquis auprès du Musée de la ville de Saarlouis (coordonnées ci après) au prix de 15 €.

Je me permets de faire figurer un extrait en langue allemande du texte de présentation de l’ouvrage dont le texte intégral ainsi que les coordonnées pour son acquisition sont découvrir sur le site du Städtisches Museum Saarlouis 

Intra Muros - Infrastruktur und Lebensalltag in Festungen - Versorgung mit Lebensmitteln
Un accueil dune grande qualité dans un bâtiment parfaitement aménagé.

Tagungsband zum Festungs-Forum Saarlouis 2017

Die Stadt Saarlouis hat sich zum Ziel gesetzt, die Forschungstätigkeit und den wissenschaftlichen Austausch auf dem Gebiet der Festungsforschung zu fördern. Hierzu wurde mit dem Festungs-Forum Saarlouis eine wissenschaftliche Tagungsreihe ins Leben gerufen, deren drittes Kolloquium am 28. Oktober 2017 durchgeführt wurde. Zur Konzeption des Festungs-Forum Saarlouis gehört auch eine begleitende Schriftenreihe, um die Beiträge zu publizieren und sie somit der Wissenschaft und der interessierten Öffentlichkeit zugänglich zu machen. Der dritte Tagungsband dieser Reihe ist nun erschienen. Er trägt den Titel: „Intra muros – Infrastruktur und Lebensalltag in Festungen – Versorgung mit Lebensmitteln“. Herausgeber sind Benedikt Loew, Guy Thewes und Hans Peter Klauck.


Auf 250 Seiten enthält der Tagungsband neun Beiträge, zwei davon in Französisch, sieben in deutscher Sprache. Drei einführende Referate, befassen sich grundlegend mit den Themen Mühlen in Festungen und der Organisation der Versorgungssysteme in der frühen Neuzeit. Darin mit eingebunden ist die Betrachtung von zwei der insgesamt sieben Fallbeispiele. Wichtig für Saarlouis ist auch die Ausrichtung über die benachbarten Grenzen hinweg und die Zusammenarbeit innerhalb des Netzwerkes der Festungsstädte der Großregion (NFGR). Bei der Auswahl der Referenten und Fallbeispiele wurde die schon bestehende, grenzüberschreitende Vernetzung genutzt. So ist es gelungen, Referenten aus vier Nationen für das Festungs-Forum Saarlouis 2017 zu gewinnen. Die Fallbeispiele umfassen die Festungen Bitche, Luxemburg, Mont Royal, Neuf Brisach, Peitz, Saarlouis und die preußischen Festungen in Schlesien.


[…]

Quelques illustrations agrémentant ma contribution…

Un texte important : DUPRÉ D’AULNAY L. Traité général des subsistances militaires, qui comprend la fourniture du pain de munition, des fourages & de la viande aux armées & aux troupes de garnisons ; ensemble celle des hôpitaux & des équipages des vivres & de l’artillerie, par marché ou résultat du Conseil, à for-fait, ou par régie. Paris, Prault père, 1744.

DUPRÉ D'AULNAY L. - Traité général des subsistances militaires [1744]
Dupré d’Aulnay – Page de titre (Fonds Dr Balliet)
Les boulangeries de Longwy & de Lille (Fonds Dr Balliet)
Les boulangeries de Longwy & de Lille (Fonds Dr Balliet)

Sommaire — Inhaltsverzeichnis:

– Jörg Wöllper — Getreidemühlen in Festungen und befestigten Städten.


– Guy Thewes — Das Versorgungssystem der Armee in der Frühen Neuzeit – Einige Überlegungen am Beispiel der Festung Luxemburg.


– Jean-Marie Balliet — L’approvisionnement des places fortes françaises au XVIIe et XVIIIe siècle, en période de paix comme en temps guerre.


– Bruno Marion & Joël Beck — Les grains et le pain à Bitche (XVIIIe-XIXe siècle).


– Benedikt Loew — Mühlen, Märkte, Magazine. Aspekte der Lebensmittelversorgung in der Festungsstadt Saarlouis.


– Volker Mende — Das Kornmagazin an der Westkurtine der brandenburgisch-preußischen Festung Peitz.


– Grzegorz Podruczny — Brot für Feldarmee und Garnison. Korn, Mehlspeicher und Bäckereien in schlesischen Festungen im Zeitraum 1740-1806.


– Änder Bruns — Die Proviantgebäude der Festung Luxemburg


– Lutz Reichardt — Gedanken zur Versorgung einer Festungsstadt in Feindesland. Der Fall Mont-Royal.

Les acteurs du colloque

Une série de colloques d’une grande qualité.

Découvrir les actes du colloque de 2015 portant sur l’eau et l’hygiène dans les fortifications… ici.

J.M. Balliet, le 19 septembre 2018



Annonce – exposition sept. 2018 – février 2019 : Breisach und Neubreisach 1870-1918. Zwei Garnisonsstädte im Kaiserreich und Ersten Weltkrieg.

Breisach und Neubreisach 1870-1918. Zwei Garnisonsstädte im Kaiserreich und Ersten Weltkrieg.

Le musée d’histoire de la ville de Breisach « Museum für Stadtgeschichte, situé presque en regard de Neuf-Brisach propose une exposition temporaire portant sur les importantes garnisons allemandes des villes de Neuf-Brisach et de Breisach qui sont étroitement liées à la tête de pont allemande, puissamment fortifiée, le “Brückenkopf neubreisach”. 

Le cadre est prestigieux — la fameuse porte du Rhin (Rheintor) — et les collections du musée mettent par ailleurs les fortifications de la ville en valeur.


S’il ne m’a pas été possible de contribuer à l’organisation de cette exposition, une présentation détaillée de l’organisation défensive du Rhin supérieur et, plus particulièrement, de la tête de pont de Neuf-Brisach sera réalisée sous la forme d’une conférence (qui sera donnée en allemand).

Pour ceux qui y trouverait quelque intérêt, il nous reste à définir la date exacte, mais elle se déroulera probablement au mois d’octobre dans les locaux du Rheintor.

Exposition temporaire — Sonderaustellung : „Breisach und Neubreisach 1870-1918. Zwei Garnisonsstädte im Kaiserreich und Ersten Weltkrieg“.

Lieu — Ort: Museum für Stadtgeschichte in Breisach am Rhein. Rheintorplatz 1. Breisach am Rhein (RFA)

Période — Dauer: 07.09.2018 – 24.02.2019

À vos agendas !


Dr Balliet — 31 août 2018

Un musée d’une grande qualité…

Fortifications & artillerie… lorsque les mots ont un sens !

Magasin à poudre des Minimes - Blaye
Magasin à poudre des Minimes – Blaye

À l’heure où le langage s’appauvrit à vue d’œil, les réseaux sociaux en sont le témoin, au quotidien, il est un domaine où le mauvais usage des termes fait quelque ravages : il s’agit d’un domaine qui nous est cher, les fortifications !

L’art de la fortification, fort d’une histoire plus que millénaire — de la fortification médiévale en passant par la fortification bastionnée et jusqu’à ses ultimes avatars —, a développé un langage aussi spécifique que précis : un terme ou une locution (groupe de mots constituant une unité lexicale) ont, le plus souvent, un signifiant unitaire.

Une préoccupation déjà ancienne… trouver le mot juste.

En l’occurrence, hier comme aujourd’hui, le (bon) dictionnaire est notre meilleur allié. Si les ouvrages sont nombreux, on y inclut également tous les ouvrages spécialisés (cf. Balliet J.M. — bibliographie critique).

Deux exemples…

1° Un ouvrage qui avait connu une grande notoriété éditoriale et aujourd’hui probablement aisément accessible (cf. Gallica & al.) amis qui est loin d’être exempt de défauts.

LA CHESNAYE-DESBOIS (François de Aubert de)Dictionnaire militaire, ou recueil alphabétique de tous les termes propres à la guerre, Sur ce qui regarde la Tactique, le Génie, l’Artillerie, la Subsistance des troupes, & de la Marine. On y a joint L’explication des travaux qui servent à la construction & à la manœuvre des vaisseaux ; Les Termes des Arts mécaniques qui y ont rapport, comme Charpentiers, Menuisiers, Forgeurs & autres ; Et des détails historiques sur l’origine et la nature des différentes espèces, tant d’offices militaires anciens & modernes, que des armes qui ont été en usage dans les différens tems de la Monarchie par M.A.D.L.C. Nouvelle édition, Revuë, corrigée & considérablement augmentée par M. E. Colonel-Ingénieur au service de Sa Majesté le Roi de Pologne, Electeur de Saxe. Dresde, George Conrad Walter, 1751 ; in-12, [vol. 1] 1271 pp, [vol. 2] 1191-191 pp.

Par M.A.D.L.C., i. e. François Alexandre Aubert de La Chesnaye Des Bois [1699-1784], édition augmentée par un officier anonyme qui, d’après Bardin, serait Eggers (Jacq. von). Seuls les articles marqués d’un astérisque sont véritablement de lui. On trouvera plusieurs suppléments à la fin du second volume. Une liste des régiments d’infanterie, de cavalerie et de dragons français sur pied à cette époque. Outre un bref historique et le nom des colonels, on y trouve une description des pièces de l’uniforme. Suit une liste historique des troupes espagnoles précédée d’une dissertation sur les noms de tous les régiments (traduit de l’espagnol par I.E., Colonel-Ingénieur), une liste historique des troupes d’Autriche, de Saxe & de Hanovre L’auteur après avoir été capucin et s’être fait compilateur aux gages du journaliste Desfontaines, compose sept ou huit dictionnaires sur toutes sortes de matières (noblesse, les poissons, etc.). Bardin critique sévèrement cet ouvrage : « On ne peut le regarder que comme une entreprise de librairie, et il n’offre qu’une marqueterie littéraire sans mérite. Lachesnaie cousait sans goût ni choix des extraits ou des articles entiers qu’il dérobait aux livres militaires français qu’il avait sous la main ; c’est ainsi qu’il a pillé mot à mot Bénéton et tant d’autres ; il arrangeait ensuite alphabétiquement ces lambeaux sous le passeport juste faux de tel ou tel mot pris au hasard ; aussi son dictionnaire n’est-il éclairé d’aucune critique ; il offre des opinions contradictoires, des raisonnements longs et obscurs, sans divisions, sans interprétations, sans esprit d’analyse. ». Cet ouvrage sera traduit en Allemand et repris en français en 1758.

2° La référence en matière de dictionnaire d’artillerie : L’ouvrage du colonel COTTY et son supplément.

COTTY (Colonel G. H.)Paris, Chez Mme Vve Agasse —Librairie militaire d’Anselin (Supplément), 1822-1832 ; in-4, vii-508 pp. – Supplément vii-637 — [5] pp.

Dictionnaire englobant les termes des dernières avancées en matière d’artillerie, se donnant pour but la continuation des travaux de Pommereul pour l’Encyclopédie méthodique de 1784 (Pommereul en fit approuver le plan par Gribeauval et demanda la collaboration des officiers du corps royal de l’artillerie). L’auteur a su dépasser le cadre d’un dictionnaire en y insérant des articles sur la balistique (Servois) ou en présentant avec précision l’état contemporain du personnel et du matériel de l’artillerie dont il avait une connaissance intime. Si Bardin relève quelques fautes typographiques, en particulier dans la partie bibliographique où plusieurs noms propres sont orthographiés de manière inexacte, le dictionnaire de Cotty est réellement précieux pour tous les techniciens. Gaspard-Hermann Cotty occupera de nombreuses fonctions d’importance : On lui doit la création de la célèbre manufacture d’armes de Châtellerault (1816) et, avec le grade de général d’artillerie, il s’intéresse tout particulièrement au pendule balistique (des épreuves sont réalisées à Gâvres sous sa direction). Envoi autographe ainsi qu’en témoigne la lettre de l’auteur au Comte Charbonnel, lieutenant-général d’Artillerie.

Relié à la suite : Supplément au dictionnaire de l’Artillerie par le général baron H. COTTY, directeur du service des poudres et salpêtres, commandeur de la Légion d’Honneur, chevalier de Saint-Louis. Dictionnaire spécialisé englobant les termes des dernières avancées en matière d’artillerie et se donnant pour but la continuation des travaux de Pommereul pour l’Encyclopédie méthodique de 1784 qui fit date et qui reste aujourd’hui le dictionnaire de référence en matière d’artillerie de la première moitié du XIXe. Ex-libris aux armes du Baron J. de Cartier d’Yves. Exemplaire avec un envoi autographe de l’auteur.

Quelques exemples sauront éclairer notre propos.

  • Une place forte est trop souvent confondue avec une citadelle : pourtant la nature des deux objets est tout autre ;
  • « Batterie côtière » alors que le terme approprié correspond à « Batterie de côte » : si le mésusage est fréquent ; il ne viendrait pourtant à l’esprit de personne de parler « d’artillerie campagnarde » !
  • L’utilisation des mots tels qu’« encuvement », certainement par analogie, mais toujours de manière inappropriée, alors qu’il s’agit, dans ce cas, d’une « cuve à canon » ou, le cas échéant, d’un alvéole d’artillerie (ce n’est pas une erreur, c’est un nom masculin même si le féminin est accepté).

Un terme honni… celui de « poudrière » !

Analysons de manière plus approfondie une erreur parmi les plus fréquentes… la fameuse « Poudrière », terme à bannir s’il en est un lorsqu’on parle de fortifications !

Vous chercherez probablement vainement ce terme dans les dictionnaires et manuels d’artillerie ou de fortification.

C’est le fameux Dictionnaire de la langue française, par É. Littré — LE Littré — qui bien qu’ancien, puisque publié à la fin du XIXe siècle, en donne la définition la plus précise et surtout met en garde à l’encontre d’un usage inapproprié ! D’après le Littré, le terme « Poudrière » connaît trois acceptions…

1° Boîte à poudre pour sécher l’écriture.

2° Boîte, récipient dans lequel est contenu l’approvisionnement de poudre d’un tireur ; on dit aussi poire à poudre.

3° Fabrique de poudre à canon, Dict. de l’Acad. (Cela est contraire à l’usage de l’artillerie qui dit toujours poudrerie.)

Magasin de poudre, Dict. de l’Acad. (Cela est contraire à l’usage de l’artillerie, qui dit toujours magasin à poudre.)

Cet exemple est particulièrement éloquent : le dictionnaire de l’Académie est ici dans l’erreur… les académiciens ont beau porter une épée, il s’agit de gens de lettres généralement peu versés dans les sciences militaires ! Le Littré montre ici toutes ses qualités par ses remarques tout à fait pertinentes.

C’est bien l’usage militaire du terme qu’il faut retenir, car c’est le seul qui, en l’espèce, se révèle exact et vous chercheriez vainement dans quelque texte plus ancien le terme « poudrière » !

Magasin à poudre - Fort Médoc
Magasin à poudre – Fort Médoc

Pourtant le magasin à poudre semblerait connaître dans la marine un synonyme connu de tous, la fameuse « Sainte-Barbe ». Là encore, nous serions dans le faux (toujours d’aprs le Littré)… Terme de marine. Emplacement qui, dans un vaisseau, contient les ustensiles d’artillerie (emplacement qui a toujours été distinct de la soute aux poudres). Abusivement, on a dit : « mettre le feu à la sainte-barbe » pour « mettre le feu aux poudres, à la soute aux poudres ».

Plaidoyer pour un bon usage de la terminologie…

En matière de sciences historiques, le choix linguistique est particulièrement important, car il permet d’être précis dans son propos : richesse lexicale et richesse de la pensée, lorsqu’il s’agit de la partager avec autrui, vont de paire !

Aujourd’hui, les sources de qualité — imprimées voire sur Internet — sont suffisamment nombreuses pour permettre, avec un minimum d’efforts et d’attention, d’utiliser le « mot juste ».



Dr Balliet — 30 août 2018



Magasin à poudre  — Citadelle de Besançon

Fortifications médiévales de Strasbourg — Fortifications : dispositions insolites ou méconnues (16)

Ponts couverts - Strasbourg (cliché Balliet J.M.)

Paradoxalement, les fortifications de Strasbourg restent largement méconnues. Si les périodes récentes, en particulier les années 1872 -1918, ont fait l’objet  de nombre de publications, les périodes antérieures ne sont que rarement abordées si ce n’est du point de vue des archéologues.

Pourtant Strasbourg, dès le moyen-âge, compte au rang des grandes villes dont les fortifications sont déjà imposantes. Après une période de flottement, avant l’annexion française en 1681, où l’on modernise les fortifications mais sans avoir les moyens de ses ambitions, il n’appartient à nul autre que Vauban et, plus tard, à Cormontaigne que d’en faire une place forte moderne parmi les plus importantes d’Europe !

Du castrum romain aux fortifications médiévales.

L’histoire des fortifications est, dès cette époque, étroitement liée à des impératifs économiques et urbanistiques qui imposent une série d’agrandissements successifs.


Fortifications médiévales de Strasbourg from Jean-Marie Balliet on Vimeo.

Fortifications de Strasbourg entre 1228 et 1334 : troisième extension.

Le troisième agrandissement, entre 1228 et 1334 marque un cap décisif dans l’évolution de Strasbourg d’un point de vue économique, politique et architectural : il intègre des corps de métiers dont la ville dépend étroitement dont les quartiers de jardiniers, de pêcheurs, de bateliers et de bouchers (Finkwiller, quai des Bateliers, rue des Bouchers, rue d’Or)


L’enceinte crénelée est faite de briques et porte un chemin de ronde (vestiges visibles entre l’église Sainte-Madeleine et la rue du Fossé-des-Orphelins, actuellement en cours de restauration). Elle est flanquée de nombreuses tours carrées.


Ce dispositif de défense est particulièrement renforcé sur le bras de l’Ill, ouvert au trafic fluvial : c’est le système des « Ponts-Couverts » : cinq tour (seules quatre tours subsistent aujourd’hui) étaient reliées par des ponts recouverts d’une toiture en bois (disparue au 18e siècle). Ces tours abritaient les corps de garde et servaient encore de prisons.

Le dispositif, complété en 1571 par un éperon en maçonnerie abritant, au moment du besoin, des pièces d’artillerie. Enfin, pour cette période subsistent également des vestiges correspondants à la « Porte de l’Hôpital ».

Les ponts couverts.

Ponts couverts, Hans von Altheimturm - Strasbourg (cliché Balliet J.M.)
Ponts couverts, Hans von Altheimturm – Strasbourg (cliché Balliet J.M.)

Ponts couverts, Hans von Altheimturm - Strasbourg (cliché Balliet J.M.)

Ponts couverts, Hans von Altheimturm - Strasbourg (cliché Balliet J.M.)

Ponts couverts, Hans von Altheimturm - Strasbourg (cliché Balliet J.M.)

Ponts couverts, Französische Turm - Strasbourg (cliché Balliet J.M.)
Ponts couverts, Französische Turm – Strasbourg (cliché Balliet J.M.)

Tour du diable (« bastion Saint-Maximilien »)

Fortifications de Starsbourg : Tour du diable (« bastion Saint-Maximilien »)

Fortifications de Starsbourg : Tour du diable (« bastion Saint-Maximilien »)

Porte de l’hôpital.

Fortifications de Strasbourg : Porte de l'hôpital

Fortifications de Strasbourg : Porte de l'hôpital

Fortifications de Strasbourg : Porte de l'hôpital

Fortifications de Strasbourg : Porte de l'hôpital

Quatrième extension : 1370-1390

Durant cette période très incertaine où sévissent des bandes de pillards, la ville doit s’agrandir tout en assurant la protection des nouveaux quartiers situés à l’ouest et au nord. D’intéressants vestiges ont été découverts au niveau de l’actuel conseil régional, place de la gare et boulevard Wilson

Vestiges du boulevard Wilson.

Ces vestiges ont  été repérés sur près de 140 m au niveau du boulevard Wilson au début des années 2000. Des fouilles d’évaluation ont permis de positionner le mur d’escarpe, l’amorce de la porte de Saverne et les vestiges d’une petite tourelle de plan pentagonal.

Une partie de l’enceinte, aujourd’hui incluse dans un espace privé (cf. infra), a été non seulement conservé mais parfaitement mise en valeur.

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension, Bd Wilson (cliché Dr Balliet)

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension, Bd Wilson (cliché Dr Balliet)

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension, Bd Wilson (cliché Dr Balliet)

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension, Bd Wilson (cliché Dr Balliet)

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension, Bd Wilson (cliché Dr Balliet)

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension, Bd Wilson (cliché Dr Balliet)

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension, Bd Wilson (cliché Dr Balliet)

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension, Bd Wilson (cliché Dr Balliet)

Une tour pentagonale découverte place de la gare et transposée près du Kriegstor II.

Fortifications de Strasbourg : vestiges de la 4e extension (cliché Dr Balliet)

La dernière extension à l’époque médiévale : 1387-1441

La dernière extension, entre 1387 à 1441, consacre la puissance de Strasbourg : dans sa volonté de conserver le monopole de la navigation entre Bâle et Mayence, la ville absorbe vers le sud-est un nouveau quartier de maraîchers et de pêcheurs, la Krutenau, tout en contrôlant le Rheingiessen, voie d’eau essentielle qui relie l’Ill au Rhin (actuelle rue de Zurich, le canal ayant été comblé en 1872).

Le doublement de la ligne de défense sud au XVè siècle ne changera pas radicalement la silhouette de Strasbourg. La ville est alors défendue par une imposante muraille crénelée, que renforcent  près de 28 tours et 8 tours-portes… Hartmann Schedel en restitue parfaitement l’esprit !

Strasbourg (Argentina) d’après Hartmann Schedel in : Schedel’sche Weltchronik, Nürnberg, 1493.




Dr Balliet J.M.

6 août 2018





Fortifications d’Ancône (Ancona, Italie) — Forte Altavilla

Forte Altavilla — Situation générale
Forte Altavilla — Situation générale

Si le patrimoine fortifié italien se révèle d’une richesse inouïe pour les périodes du Moyen-äge au 18e siècle, les périodes plus récentes et, plus particulièrement, le 19e siècle ne sont pas en reste !

Forte Altavilla — Vue depuis le front d'attaque

En raison de sa situation géographique, l’Italie compte également de nombreuses fortifications littorales… La ville portuaire d’Ancône (it. Ancona) donnant sur l’Adriatique dispose d’un patrimoine fortifié remarquable avec une citadelle construite par le célèbre architecte San Gallo mais également une série d’ouvrages du 19e dont le plus emblématique correspond probablement au Forte Altavilla, un des premiers forts du secteur construits après l’unité italienne !

Forte Altavilla

Genèse.

En effet, l’ordonnance du ministère de la Guerre en date du 12 décembre 1860 ordonne sa construction deux mois seulement après l’arrivée des troupes piémontaises à Ancône. Le comité des ingénieurs militaires basé à Turin, examina et modifia le projet à plusieurs reprises avant de l’approuver définitivement le 22 septembre 1862.

Comme l’ouvrage situé sur une colline voisine, le fort Umberto, il fait partie de la deuxième ligne de défense construite au 19e siècle. Construit sur une colline près de la ville de Pietralacroce, sa construction a débuté en 1863 pour s’achever en 1866. Le nom du fort est tout simplement inspiré d’une construction, une villa, qui existait auparavant. Bien que d’un plan assez classique — une batterie d’artillerie à ciel ouvert protégée par de l’infanterie —, le projet s’est révélé complexe en raison de l’augmentation continue des coûts de construction due à la forme et de la nature du terrain.

Dispositions architecturales.

L’ouvrage, construit de manière relativement symétrique, adopte un plan assez original, très différent des modèles autrichiens et français.

On accède à l’intérieur de l’ouvrage par une porte, située sur le côté gauche de la gorge de l’ouvrage, qui était précédée d’un pont-levis, aujourd’hui disparu. Dans les locaux adjacents, on trouvait bien évidemment le poste de garde, un local permettant la manœuvre du treuil du pont-levis et les locaux de commandement.

Forte Altavilla — Accès, plateforme & rampe d'artillerie
Forte Altavilla — Accès, plateforme & rampe d’artillerie

Forte Altavilla — Porte

Forte Altavilla — Porte

Forte Altavilla — Porte

Forte Altavilla — Citerne ou puits jouxtant le passage de porte
Forte Altavilla — Citerne ou puits jouxtant le passage de porte

La vaste plateforme d’artillerie, à laquelle conduit une rampe d’artillerie, est constituée d’un massif en terre dont l’escarpe est en terre coulante. Elle coiffe ainsi le passage de la porte, les habituels casernements, locaux d’artillerie, magasins à poudre et à munitions, etc.

Forte Altavilla — Plateforme d'artillerie et son escarpe en terre coulante
Forte Altavilla — Plateforme d’artillerie et son escarpe en terre coulante

L’organisation défensive du fossé est particulièrement développé. Sur la face gauche est disposée une caponnière saillante alors qu’au niveau de la face droite, la défense est assurée par des galeries de fusillades disposées dans la contrescarpe et couvrant le fossé à l’aide de feux de revers. Un semblant de caponnière, en réalité un simple mur à la Carnot, couvre la gorge de l’ouvrage. Dans son prolongement se trouve une caserne à partir de laquelle part une gaine menant à la caponnière.

Forte Altavilla — Source : Museo dell’Arma del Genio, Roma (via i Sedici Forti di Ancona)

Forte Altavilla — Vue d'apex

Forte Altavilla — Caponnière
Forte Altavilla — Caponnière

À l’opposé, on trouve d’autres casernements pour la troupe, la cuisine et une trappe conduisant à un passage souterrain menant au mur à la Carnot et aux toilettes. Une gaine à laquelle succède un escalier mène aux galeries de fusillade disposées dans la contrescarpe.

Forte Altavilla — Gorge de l'ouvrage et mur à la Carnot
Forte Altavilla — Gorge de l’ouvrage et mur à la Carnot

Forte Altavilla — Gorge de l'ouvrage et mur à la Carnot

Forte Altavilla — Gorge de l'ouvrage et mur à la Carnot

Armement.

9 canons de 16 cm montés à barbette sur un affût de siège — cannoni da 16 GR in barbetta con paiuolo d’assedio — à l’exception de la pièce numéro quatre installée sur un affût de place. Chaque pièce était approvisionnée comme suit : 372 obus, 18 obus à balles et 10 boites à mitraille.

6 obusiers —  obici da 24 GRC Ret. — avaient été prévus mais jamais installés.

Bien que situé en bord de mer, son action est avant tout terrestre et s’intègre au périmètre défensif autour du port d’Ancône.

Aujourd’hui…

L’ouvrage est très bien conservé, exempt de tous ces tags que l’on trouve habituellement en France, et parfaitement accessible puisqu’il fait office de parc municipal.

Forte Altavilla — Caserne (flanc gauche)
Forte Altavilla — Caserne (flanc gauche)

Forte Altavilla — Pompe

Forte Altavilla — Fossé

Orientation « sitologique »

Le site internet, en tous points remarquable de l’association pour les fortifications d’Ancône (il sito web, a tutti gli effetti notevole dell’associazione) : Sedici Forti di Ancona (avec de nombreux clichés complémentaires à ce billet)


Dr BALLIET J.M. — 2018



L’imprenable Metz ! Les fortifications médiévales… Exposition à la porte des Allemands

L'imprenable Metz ! Les fortifications médiévales… Exposition
Espace d’accueil de l’exposition

Actuellement, une exposition vient de débuter qui mérite absolument d’être signalée : L’imprenable Metz !

L'imprenable Metz ! Les fortifications médiévales… Exposition

Elle se tient dans un lieu prestigieux, la Porte des Allemands (Metz), du 24 novembre 2017 au 11 mars 2018 (l’accès est gratuit). Pour plus de détails, cf. l’agenda des expositions de la ville de Metz.

Ce travail est le fruit des travaux de l’association Historia Metensis qui fort des compétences de ses membres (archéologie, histoire…) a mené une série d’opérations archéologiques avec le soutien de la DRAC Lorraine, de Metz Métropole et de la Ville de Metz.

Si les travaux scientifiques ont été mis en exergue par le moyen d’une belle publication « Défendre Metz à la fin du Moyen Âge. Étude de l’enceinte urbaine » (sous la dir. de J. Trapp et M. Didiot), l’exposition vise à mettre les résultats à la portée du plus grand nombre, jeunes et moins jeunes, simples curieux et, même, les amateurs plus avertis. Nous avons pris beaucoup de plaisir à la parcourir et, de facto, c’est assurément une belle réussite !

Une exposition et un secteur à (re)découvrir sans retenue…

Metz, Porte des Allemands
Porte des Allemands (état 2012)
Metz, Porte des Allemands
Porte des Allemands (état 2017)
Metz, Porte des Allemands
Une vidéo très instructive sur les fortifications médiévales de Metz
L'imprenable Metz ! Les fortifications médiévales… Exposition, une serpentine
Serpentine (fin 15e s.)

L'imprenable Metz ! Les fortifications médiévales

La fausse braie du 16e s. était flanquée d’un moineau (i.e caponnière) offrant quatre embrasures de tir pour des armes à feu. On y accédait par un souterrain dont l’accès est aujourd’hui condamné…

Metz, Caponnière de Desch (état 2017)
Caponnière de Desch (état 2017)

La caponnière est richement ornée et on y trouve plus particulièrement un élément du bas-relief qui représenterait son commanditaire, Philippe Dex, gouverneur des murs de l’époque et chargé de l’entretien de l’enceinte.

Metz, Caponnière de Desch (état 2012)
Détails du bas relief avec une figure allégorique pour le moins suggestive (état 2012) !

Indispensable pour mieux comprendre… Réf. bibliographique :

TRAPP J., DIDIOT M (Sous la dir.) – Défendre Metz à la fin du Moyen Âge. Étude de l’enceinte urbaine. Nancy, 2017.

Balliet J.M., 2 décembre 2017

Forts de Joux, du Larmont inférieur et al. : une anthologie de la fortification française. 1re partie !

Fort de Joux — Le château historique précédé d’une 2e, 3e et 4e enceinte ! À droite du cliché, le « fort moderne » occupant l’espace de la 5e enceinte.


Il existe des lieux, peu nombreux, qui offrent presque en un clin d’œil une perspective sur plusieurs siècles d’architecture militaire. Près de Pontarlier (Doubs), on peut y compter le fort de Joux et les ouvrages adjacents. En effet, la route menant de Suisse à Pontarlier passe par une cluse — une sorte de défilé encadré par des escarpements — qui forme un passage obligé idéalement situé pour contrôler cette importante voie de communication et, plus particulièrement, y prélever des droits de péage.

Fort de Joux (front nord-est) — Vue depuis la route menant de Suisse à Pontarlier et passant par une cluse.
Contrôler un défilé… 1. Fort de Joux 2. Fort du Larmont inférieur 3. Corps de garde crénelé 4. Galerie de fusillade

Introduction sous la forme d’une ballade aérienne (juin 2017) [durée 3min.56].

Fortification médiévale — le château de Joux

Les premières traces se retrouvent dans les archives dès le XIe siècle. Il est régulièrement modernisé : ajout de tours sur le front nord, construction des tours Mirabeau, Grammont et d’une seconde enceinte au XIIIe siècle auxquels s’ajoutent, vers la fin du XIVe siècle, la fameuse tour du fer à cheval ainsi qu’une troisième enceinte et un fossé.

Durant la guerre de Trente Ans, il est un temps aux mains françaises avant d’être rendu avec l’ensemble de la Franche Comté à l’Espagne. Le traité de Nimègue (1678) acte le rattachement de la Franche Comté (et du château de Joux) à la France et ouvre de nouvelles perspectives architecturales…

Le château de Joux (enceinte médiévale) précédé d’une seconde et d’une troisième enceinte comprenant la tour dite du fer à cheval.

Fortification bastionnée — le temps de Vauban !

Entre 1678 et 1690, les contributions de Vauban et de ses ingénieurs modifient durablement l’aspect du site.

Fort de Joux en 1717 (source bnf) — Les cinq enceintes ont été édifiées.

[1678-1690] Adaptation de la troisième enceinte (médiévale) et construction d’une quatrième enceinte prenant la forme d’un ouvrage à cornes et d’une cinquième enceinte suivant le même modèle. L’ensemble couvrait un vaste glacis au sud alors que les fronts nord et est contrôlaient la route passant par la cluse. [1690] Nouveau projet pour le château de Joux.

Porte monumentale du 17e s., accès à la quatrième enceinte. Si le pont-levis à flèches correspond à l’organisation du 17e s., les gardes corps correspondent à des adaptations de la seconde moitié du 19e s.
Le temps de Vauban : Le front de la quatrième enceinte prenant la forme d’un ouvrage à cornes.

[1690-1693] Reconstruction de la seconde enceinte médiévale, construction de casernes et, surtout, d’un puits profond de 174 mètres ! D’autres adaptations de l’enceinte — nouvelles embrasures, modification de la tour du Fer à cheval — sont essentiellement destinées à renforcer l’efficacité des tirs d’artillerie.

Fort de Joux — Temps de Vauban : Quatrième enceinte, demi-bastion gauche de l’ouvrage à cornes.

Fort de Joux — focus sur le noyau historique — la 1re enceinte — progressivement complété par quatre autres enceintes


Si la période de l’Empire se caractérise par l’usage du fort de Joux comme prison d’état, dont le très fameux Toussaint Louverture, il connaît les vicissitudes liées aux combats dans les années 1813, 1814 et 1815.

Époque de la Restauration et de la Monarchie de Juillet.

À la fin des années 1820, des travaux de réfection sont entrepris. Mais il faut attendre les années 1840, sous le gouvernement de la Monarchie de Juillet [1830-1848] pour qu’un programme plus ambitieux, il concerne l’ensemble des frontières de la France, soit entrepris. Outre la poursuite des travaux au fort de Joux débutés en 1835 — reconstruction de la 5ème enceinte et établissement d’une terrasse d’artillerie sur le donjon — on relève, en 1848, des modifications apportées à la 2ème enceinte (nouveaux parapets avec créneaux de fusillade, escalier de sécurité…).

Par ailleurs, on construit, entre 1845 et 1851, un fort sur la montagne du Larmont. Il s’agit d’interdire à un adversaire, l’usage d’une position qui offre une vue imprenable sur le fort de Joux ! D’abord baptisé Fort neuf, il est aujourd’hui plus connu sous celui de Fort du Larmont inférieur ou de Fort Mahler. Le dispositif de barrage de la cluse est complété par le retranchement du Chauffaud, une sorte de corps de garde crénelé très similaire à ceux du modèle 1846 que l’on trouve en nombre sur le littoral. Ce retranchement est relié au fort du Larmont inférieur par une longue galerie de fusillade.

Fort de Joux — À l’arrière-plan, le fort du Larmont inférieur depuis la tour du fer à cheval.
Le fort de Joux depuis le Larmont inférieur.
Fort de Joux, front nord-est précédé par le plateau de la Rochette (aménagement d’une batterie d’artillerie après 1879)

Guerre de 1870 et les fortifications du système Séré de Rivière.

En 1871, les forts de Joux et du Larmont inférieur interviennent afin de protéger la retraite de l’armée du général Bourbaki vers la Suisse. Au regard de son importance stratégique, les forts de Joux (i. e. Château de Joux) et du Larmont inférieur sont intégrés dans le nouveau dispositif défensif dû au général Séré de Rivière. En 1877, trois tonnes d’explosifs saisis par la douane explosent, détruisant entièrement le casernement. La reconstruction est réalisée, sous une forme plus moderne, entre 1882 et 1884 avec une dernière modernisation en 1891 (creusement d’un magasin sous roc).

Entre 1879 et 1887, des travaux sont dirigés au fort de Joux par un officier du génie, le capitaine Joffre. Il modifie sensiblement le front sud qui prend son aspect actuel : construction de deux casemates en fonte dure du type Mougin armées chacune d’un canon de 155 mm Mle 1877 du système de Bange et leurs magasins à munitions adjacents ainsi qu’un casernement à l’épreuve installé dans le fossé en arrière de la cinquième enceinte, aménagement d’une batterie d’artillerie sur le plateau de la Rochette, création d’un magasin sous roc ainsi que de nombreuses galeries, etc. Enfin, le fort du Larmont supérieur (fort Catinat) est construit en 1879 et renforce le dispositif défensif vers le nord. Enfin, en 1886, une batterie annexe est construite au sud-ouest, à l’extérieur du fort du Larmont supérieur.

Fort de Joux, front sud-ouest. Le « fort moderne » vient remplacer l’ouvrage à cornes du 17e.

Focus sur les casemates en fonte dure du type Mougin…

Le « fort moderne ». Les flèches indiquent les axes de tir des casemates de type Mougin. Les autres structures correspondent essentiellement à des magasins à poudre à l’épreuve.
Fort de Joux, front sud-ouest  — Embrasure d’une des deux casemates en fonte dure du type Mougin (au second plan, le puits de lumière).
Fort de Joux, front nord-ouest  — Embrasure d’une des deux casemates en fonte dure du type Mougin.
Fort de Joux, — Séré de Rivière : Accès principal au « fort moderne »
Fort de Joux —  Casemate en fonte dure du type Mougin armée d’une réplique d’un canon de 155 mm Mle 1877 du système de Bange.
Fort de Joux, — Séré de Rivière : Magasin à poudre du « fort moderne » destiné à alimenter les pièces des casemates Mougin. ndr : Noter les inscription d’époques sur le porte !
Magasin à poudre du « fort moderne »… Vestige du plancher en bois avec son vide sanitaire.


Miscellanées…

Fort de Joux  — Séré de Rivières : Casernement à l’épreuve  installé dans le fossé en arrière de la cinquième enceinte.
Fort de Joux — Grand escalier à vis dû au Cne Joffre (2e moitié du 19e s.) d’une trentaine de mètres de profondeur. Il conduit au grand puits et divers magasins.

Période 1930-1940.

Les forts bien qu’obsolètes bénéficient de quelques aménagements et subiront vaillamment l’épreuve du feu en juin 1940.

Aujourd’hui

Le fort de Joux a fait l’objet d’importantes campagnes de restauration durant les dernières décennies et mérite assurément le détour !


Il convient tout particulièrement de souligner la qualité de l’accueil par les personnels animant le site… Les propos et explications se sont révélés, hormis quelques détails, suffisamment pertinents, au moins pour un public non averti. À l’aune de ce que j’ai pu observer sur quelques autres sites, c’est un point qui mérite d’être souligné.


L’état des forts du Larmont est par contre bien plus préoccupant, tout particulièrement pour ce qui concerne le fort du Larmont inférieur. Les travaux de restauration entrepris, semble-t-il par une association, se soldent, pour différentes raisons, par un échec et l’état du fort semble aujourd’hui très préoccupant, à tel point que son accès est interdit car particulièrement dangereux. Enfin, il importerait également de prendre soin du corps de garde crénelé dont le caractère moins spectaculaire mais non moins exceptionnel, lui confère un intérêt patrimonial certain. Quant au fort du Larmont supérieur, il n’est visitable qu’en de rares occasions.

Les forts du Larmont seront traités dans la seconde partie de ce billet.


Dr Balliet JM — 2017

Château du Pflixbourg… Ancien verrou de la vallée de Munster vers l’Alsace


Cité dès le 13e s. comme une forteresse impériale permettant de contrôler le débouché de la vallée de Munster en Alsace, il passe de mains en mains jusque vers la fin du 15e s., date présumée de son abandon. Lors de la guerre de Trente ans, le château sera définitivement détruit.


Son enceinte prend une forme grossièrement pentagonale au milieu de laquelle se trouve le donjon.

L’accès semble d’un type unique en Alsace (Mengus et Baldrauf) puisqu’elle s’ouvrait sous la protection du donjon circulaire haut de 22 mètres dont l’entrée se trouvait à 9 mètres de hauteur !


Les logis étaient disposés le long de la muraille et sous le donjon, dans le massif rocheux, était installée une citerne.

Une lumière et des couleurs d’automne… Un autre visage des châteaux d’Alsace

L’entrée très particulière du château du Pflixbourg et le donjon avec un accès haut situé.

Ballade aérienne autour du château (durée 01:40)

Quelques vues prises du fossé entourant l’enceinte.

L’accès au château couvert par le donjon



Enfin, à l’instar du Hohlandsbourg, on peut découvre dans le fossé du château deux accès à un abri allemand construit durant le premier conflit mondial.

Abri allemand dans le fossé (1914-1918)… aujourd’hui condamné


Référence bibliographique : MENGUS (N.), RUDRAUF (J.M.) – Châteaux forts et fortifications médiévales d’Alsace. Dictionnaire d’histoire et d’architecture. Strasbourg, 2013.

Citadelle de Bitche – Ballade aérienne [oct. 2017]

Front sud et l’ouvrage à cornes de la grosse tête


Si l’imposant rocher qui domine la ville de Biche a été fortifié très anciennement, on y cherchera presque en vain quelques traces de Vauban. En effet, s’il est bien intervenu sur le site, ses fortifications seront rasées lors du départ contraint des troupes françaises répondant aux conditions du traité de Ryswick (1697). Ce n’est qu’une quarantaine d’années plus tard, sous le règne de Louis XV, que la France reprendra pacifiquement possession du duché de Lorraine.

Le comte de Bombelles, gouverneur militaire de Bitche, entreprend alors de reconstruire la Citadelle. Il est assisté par l’ingénieur Cormontaigne (nommé, en 1744, directeur des fortifications de Metz), qui modernise le tracé initial de Vauban. Les travaux, initié en 1741, durèrent jusqu’en 1754.

———  ndr : un clic sur l’un quelconque des clichés… Les découvrir dans leur meilleure résolution ———

Entre 1846 et 1852, la ville est entourée par une d’enceinte urbaine dont la défense est complétée au nord par le fort St Sébastien. Entre la citadelle et le fort, un vaste espace est prévu pour accueillir des troupes et transformer Bitche en camp retranché.

Lors de la guerre de 1870, les troupes allemandes assiègent Bitche. Si la garnison résiste pendant près de six mois, les bombardements ont fortement endommagé la citadelle. Désormais aux mains des Allemands, ces derniers procèdent à de nombreuses adaptations pour accueillir une garnison : l’enceinte urbaine est presque entièrement détruite et la structure de la citadelle profondément remaniée (modification des profils sans toutefois altérer ceux des dehors, transformation de nombreuses casemates, noria à munitions, armement, casernements, etc.).

Alors qu’en 1918, la ville redevient française, l’importance militaire de la citadelle est des plus réduite. Pourtant, sa situation réalise un excellent poste d’observation ainsi qu’en témoignent les observatoires aménagés sur l’ouvrage à cornes de la grosse tête.

Ouvrage à cornes de la grosse tête et ses trois observatoires « Maginot »

Enfin, pendant l’hiver 1944 marqué par d’âpres combats dans le secteur, la population se réfugie dans les souterrains de la citadelle.

Front de le demi-lune de la Petite tête ceinte de son couronné

Aujourd’hui, on se doit de signaler la qualité de l’accueil et l’importance des travaux dont bénéficie le site, même s’il reste encore fort à faire… Il suffit, pour s’en convaincre, de s’y rendre !

Vidéo (durée 2 min. 30)

Quant à la qualité du site, qu’on en en juge ne serait-ce qu’à l’aune de cette rapide ballade aérienne (durée 2 min. 30)…


Quelques autres clichés de cette citadelle remarquable…

Pour en savoir plus : Orientations bibliographiques…

  1. BALLIET J.M. – Die Festung Bitche. In : Fachtagung deutsche Westbefestigung, 2013, vol. 2013, p. 129-149.
  2. BALLIET J.M. – Die Festung Bitche 1673-1870. In : Festungsjournal – DGF, 2016, vol. 49, p. 19-28.
  3. HOHNADEL A. – La citadelle de Bitche. Metz, Ville de Bitche – S. Domini éd., 2007.