Un fort volume qui traite d’un pan très particulier de l’histoire du second conflit mondial : l’architecture civile et industrielle adaptée au conflit.
Qu’il nous soit permis de reprendre l’excellent synopsis (proposé par l’éditeur canadien : « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la Seconde Guerre mondiale correspond en fait à un intense ensemble d’expériences architecturales observées dans les pays en guerre du bombardement nazi de Guernica en 1937 à la frappe atomique sur Hiroshima de 1945. Du Japon aux États-Unis, en passant par la Russie, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. pour la première fois, sont analysés en détail ici les épisodes clefs dans le processus de modernisation qu’ont entraînés la préparation de la guerre, la mobilisation totale des territoires et des villes, leur occupation, leur destruction et leur reconstruction. Largement illustré de dessins, de photographies, des cartes et affiches inédits ou oubliés, cette étude porte particulièrement sur la question de la guerre aérienne déclarée aux villes, sur les bâtiments des usines d’aviation ou d’armement, sur l’engagement des architectes dans le camouflage, sur la réalisation des grands projets tel que le Pentagone et sur l’ombre portée de la guerre après 1945. ».
COHEN (Jean-Louis) – Architecture en uniforme. Paris, Hazan, 2011 ; petit in-4, 448 pp.
Présenté comme le catalogue officiel de l’exposition au centre canadien d’architecture de Montréal (avril 2011), cet ouvrage rédigé par Jean-Louis Cohen, un des historiens de l’architecture des plus réputés, se révèle comme le seul ouvrage sur l’architecture pendant la Seconde Guerre mondiale !
D’une lecture agréable, très richement illustré et documenté, on y trouve nombre de pépites. C’est ainsi qu’au fil des pages, on se laisse surprendre à découvrir un pan méconnu du patrimoine industriel alsacien de cette époque : l’usine d’électronique aéronautique List de Rhinau, construite en 1942 par Ernst Neufert (cf. cliché en en-tête)
Ce patrimoine industriel aujourd’hui encore intact a été inscrit au titre des monuments historiques le 14 décembre 2009. Ce la concerne le bâtiment de l’usine et sa chaufferie extérieure, en totalité ; les deux pavillons de logement pour les ouvriers de l’usine, en totalité (source DRAC d’Alsace). La notice de la DRAC se présente comme suit :
Le bâtiment de l’usine est construit entre 1941 et 1942 pour la firme d’électrotechnique berlinoise Heinrich List sur les plans de l’architecte Ernst Neufert. Le bâtiment principal est construit en béton armé avec un remplissage de briques rouges. L’espace intérieur se compose de trois grands plateaux industriels dévolus aux espaces de travail. Les différents niveaux étaient desservis par un monte-charge permettant la circulation verticale de la production. Il est scandé de quatre avant-corps verticaux qui regroupent les fonctions administratives, les sanitaires et les escaliers. Cette spécialisation des espaces répond aux principes de rationalisation et de normalisation des constructions architecturales de cette époque. L’accès se faisait originellement par la façade ouest, dans laquelle est aménagée une porte monumentale dont l’accès se fait par une rampe. En 1942, deux pavillons en béton et briques sont construits selon les plans de Neufert d’après une commande de Speer pour abriter huit familles d’ouvriers. La fermeture de l’usine, en 1944, met fin au projet de construction d’une cité ouvrière.
La conjonction de cet ouvrage et de plusieurs sites industriels contemporains de ce conflit conservés en Alsace (Usine de Rhinau, mais encore les Usines Junkers Flugzeug-und-Motorenwerke A.G. près de Strasbourg voir ici) donne un relief tout particulier à cette publication.